mercredi 19 octobre 2011

Suppression des trains : la quatrième fois aura été la bonne !

La société de transports a tranché après une longue journée de négociation. Moins de casse que prévu, mais les voyageurs matinaux et tardifs devraient le sentir.

La quatrième fois aura été la bonne. Après d’âpres discussions, le conseil d’administration de la SNCB a finalement décidé de supprimer, dès décembre 2012, sur le coup de 20h, 193 trains (170 trains intérieurs et 23 frontaliers) peu fréquentés, soit un peu moins de 2 % de l’offre de la SNCB. Moins que les 302 trains initialement prévus, qui auraient touché le quotidien de 6 000 voyageurs. Ici, on parle de 2 800 navetteurs directement concernés. Soit une économie de 13 millions d’euros à l’horizon 2015, selon Marc Descheemaecker, administrateur-délégué de la SNCB. "Nous sommes très fiers que la SNCB ait fait un pas de géant sans abandonner ses ambitions", explique le responsable de la société ferroviaire.

Et c’est peu dire que la journée aura été longue et mouvementée pour les administrateurs de la SNCB, déjà mis sous pression dès l’entame de leur réunion, vers 11h, par les syndicats, les navetteurs et différentes associations, dont Inter-Environnement. Calicots de protestation et liste des trains "condamnés" à la main (disponible sur plusieurs sites internet, une "fuite" qui a fâché, paraît-il, la direction). La petite centaine d’invités surprise ne démordait pas, malgré une pluie féroce. "Nous sommes scandalisés par ces mesures qui vont à contre-sens des politiques menées en matière de mobilité, explique Céline Tellier d’Inter-Environnement Wallonie. D’un côté, on pousse les gens à ne plus prendre leurs voitures et de l’autre, on leur supprime les rares alternatives disponibles".

Selon Inter-Environnement, les économies peuvent être trouvées ailleurs. D’autant que la fréquentation des trains de la SNCB a augmenté de 55 % depuis 1995. "Il faut continuer à investir dans les trains. Une étude révélait que la congestion automobile coûtait en Europe 0,7 % de l’ensemble du PIB européen. C’est énorme".

Parmi les syndicalistes, l’incompréhension se lisait aussi sur bon nombre de visages. "Cela n’a aucun sens. On s’apprête, par exemple, à construire une gare cathédrale de 150 à 200 millions à Mons, alors qu’on détricote le réseau aux alentours. Des gares pharaoniques sans train. Est-ce vraiment cela qu’on veut à la SNCB ?", pestait Michel Abdissi, secrétaire général de la CGSP Cheminots. Selon lui, les arguments de la SNCB (les 193 trains supprimés le sont car ils ont un revenu de ventes inférieur à leur coût énergétique et 82 d’entre-eux transporteraient moins de 40 passagers) ne tiennent pas sur les rails. "Nous avons effectué des tests sur certains de ces trains et nous sommes loin de ce que dit la SNCB. Exemple ? Hier sur la ligne Namur-Huy de 18h18, il y avait plus de 80 passagers".

D’après les syndicats, ce sont surtout les petits revenus qui vont trinquer. Et les travailleurs nocturnes ou matinaux ("comme les postiers") puisque bon nombre de trains supprimés le sont aussi à cause de leur horaire trop matinal ou tardif. Il faut faire des économies, mais on doit chercher autre part, d’après les syndicats, qui pointent les "énormes" dépenses du groupe SNCB en matière de consultance (220 millions).

Cette mesure ne serait, en outre, qu’un arbre qui cache la forêt, d’après Dominique Dalme de la CSC-Transcom. "La SNCB s’attendait à d’importants bénéfices sur les trains de marchandises. Or les résultats du premier semestre sont catastrophiques, explique le syndicaliste. P our revenir à l’équilibre, ce ne sont pas 200, mais bien 600 à 800 trains qu’il va falloir supprimer".

Une petite touche communautaire s’invite également dans le débat. L’agent info-trafic principal de la gare du Midi, Philippe Gousset, remarque ainsi que 60 % des trains initialement prévus d’être supprimés se trouvent en Wallonie, alors que la SNCB n’y effectue que 40 % de ses investissements. "Une fois de plus, on économise sur le dos des Wallons "

En ce qui concerne Bruxelles, Jan Vanseveren de l’association des usagers des trains, des trams et des bus remarque que la gare de l’Ouest, inaugurée en grande pompe il y a deux ans, va perdre la moitié de ses trains. "A vec deux trains par heure, ce n’est pas vraiment comme cela qu’on va attirer les voyageurs" . Selon lui, Bruxelles va à contre sens de toutes les grandes villes européennes où l’on investit massivement dans les transports publics. " Nous sommes aussi le seul pays européen, à part peut-être l’Italie, où il existe encore des accompagnateurs dans les trains urbains et les petits trains ruraux. Un conducteur doit suffire." Voilà une proposition qui ne satisfera vraisemblablement pas les syndicats, inquiets d’une perte éventuelle de 300 postes suite à la suppression de ces trains.

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